Le Parti populaire reste un micro-parti : la droite extrême ne séduit pas l'électorat francophone

RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite  Samedi 20 octobre 2018


BILAN DES ÉLÉCTIONS DE 2018 – Le Parti Populaire (PP) de Mischaël Modrikamen avait de grandes ambitions. Il doit se contenter de quelques miettes : à peine onze élus, dont cinq à Dison et Verviers. Aucun élu en région bruxelloise, de même qu'à Liège, Mons, Namur, La Louvière, Seraing... Dans aucune province, le PP ne franchit la barre symbolique des 5 %. La droite extrême ne séduit pas l'électorat francophone.



Créé il y a près de dix ans, en novembre 2009, le PP se présentait pour la quatrième fois à l'électeur (après le scrutin fédéral de 2010, celui de 2014 et les communales de 2012). Sauf de façon anecdotique, dans une poignée de communes, il ne réussit pas à s'implanter électoralement . En dix points, tour d'horizon de la (mini) planète PP.


1. De grandes ambitions... déçues
Avant le scrutin, Mischaël Modrikamen, président du PP, avait déclaré qu'il espérait entre 30 et 60 élus. Au final, le PP en obtient seulement 11, soit un gain d'à peine 8 élus par rapport à 2012, très insuffisant pour réussir un vrai ancrage local. Pour le scrutin provincial, le PP ambitionnait un score d'environ 8%. C'est raté, même dans ses « places fortes », en province de Liège (4%) et du Hainaut (3%). Parmi les 11 élus du PP, près de la moitié, soit 5 élus, ont conquis leur siège à Dison et Verviers. Partout ailleurs, c'est – presque – le désert.

2.Quelques élus isolés
Pour l'essentiel, le PP doit se contenter de quelques élus isolés, qui feront de la figuration dans les conseils communaux : Pont-à-Celles (un élu), Fléron (un élu), Oupeye (un élu), Herstal (un élu), Mouscron (un élu), Charleroi (un élu). Ces quelques élus isolés auront bien du mal à s'ancrer dans le paysage politique local.

3. Une exception : Dison
Dans une seule commune wallonne, Dison, près de Verviers, le PP réussit un score significatif : avec 12,63% des voix et 3 élus, le PP devient le second parti de la commune, derrière le PS (53,3%, majorité absolue) mais devant Ecolo (11,9%) et le MR (8%).

Ravagée par un chômage endémique d'environ 20%, Dison est, de longue date, une terre accueillante pour la droite extrême et l'extrême droite. En 2006, le FNationale y a obtenu 8,43% et en 2012, Wallonie d'abord, atteignait 6,17%. Absents du scrutin du 14 octobre 2018, ces deux partis ont laissé la voie libre au PP (12,63%) et, marginalement au nouveau petit parti d'extrême droite, Agir (2,58%).

4. A Verviers, la «  victoire » en trompe l'oeil du PP
Verviers est un petit fief du PP, qui y a obtenu 6,03% et 1 élu au scrutin communal de 2012. Cette fois le PP obtient 2 élus, avec un score de 6,99%, soit un gain de 0,96%. Il s'agit d'une « victoire » en trompe l'oeil car le PP espérait entre 10 et 15% à Verviers. La faible progression du PP local tend à montrer que même là où il dispose d'une « vitrine » - c'est à dire un élu – le PP ne réussit pas à s'imposer véritablement sur l'échiquier politique.

5. L'échec liégeois
Malgré un élu dans trois communes de la banlieue rouge, Fléron, Oupeye, Herstal, le PP se plante à Liège : 3,1%, c'est 0,93% de plus qu'en 2012, mais cela reste maigre. Insuffisant en tout cas pour obtenir un élu dans la Cité ardente. Une claque pour un parti qui comptait sur le contrecoup de l'affaire Publifin pour « plumer » le PS.

6. Flop à Namur et dans le Brabant wallon
La performance du PP est très faible dans la capitale wallonne : 1,7%, c'est à peine plus que le score du groupuscule d'extrême droite Nation (1,2%). Dans le Brabant wallon, le terrain semblait a priori favorable pour obtenir l'un ou l'autre élu. Il n'en est rien. Présent à Wavre, Tubize, Braine-L'Alleud, Genappe, Ottignies-Louvain-La-Neuve, Court-Saint-Etienne, notamment, le PP réalise partout des scores inférieurs à 5%, sauf à Tubize (5% mais pas d'élu).

7. Aucun élu en région bruxelloise
Le PP présentait des candidats dans trois des dix-neuf communes bruxelloises. Ici aussi, les scores sont maigrichons, largement sous la barre des 5% : Auderghem (2,2%), Evere (3,7%), Watermael-Boitsfort (3,5%). Candidate dans cette dernière commune, l'épouse de Mischaël Modrikamen n'a pas décollé : seulement 231 voix de préférence.

8. La comparaison cruelle avec le PTB
Modrikamen a souvent présenté le récent scrutin comme un match entre le PP et le PTB, deux partis opposés sur tout mais l'un et l'autre labellisé « anti-système ». Il n'y a pas eu de match. Les deux formations ne jouent pas dans la même division. Le PTB a 156 élus pour 11 au PP. Tout est dit...

9. La concurrence de La Droite
Dans un nombre limité de communes, le PP a affronté la concurrence de La Droite, autre petit parti de « droite décomplexée ». La Droite obtient notamment un score de 2,6% à Charleroi (4,5% pour le PP), 2,9% à Colfontaine (3,7% pour le PP), 2% à Frameries (5% pour le PP), 2,3% à Sambreville (4,3% pour le PP), 1,3% à Wavre (2,7% pour le PP). L'éparpillement des votes à la droite de la droite a-t-il freiné le PP ? Un peu.

A Bruxelles, là où il se présentait, le PP n'a pas dû subir la concurrence de La Droite...mais son résultat dans les urnes est tout aussi médiocre.


10. La radicalisation du PP ne paie pas
Lors de sa création en 2009, le PP incarnait une droite « décomplexée », à la droite du MR. Au fil du temps, le PP s'est radicalisé. Il a apporté son soutien à Marine Le Pen, lors des élections présidentielles françaises. Modrikamen fait désormais campagne aux côtés notamment du ministre de l'Intérieur et vice-président du Conseil italien, Matteo Salvini, leader du parti d'extrême droite la Ligue et avec l'ultra-droitier Steve Bannon, l'ancien conseiller de Donald Trump.

Tout ce beau monde a l'ambition de fédérer les divers partis européens populistes et d'extrême droite. Mischaël Modrikamen a entraîné son parti dans une spirale de radicalisation qui semble sans limite. En pure perte. En Wallonie comme à Bruxelles, le PP reste un nain politique.



CLAUDE DEMELENNE

RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite 



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RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite  Bruxelles | Samedi 20 octobre 2018