Coalition avec la N-VA : ce que le MR devrait payer
 (8/9)

RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite  Samedi 13 avril 2019  18:16
Lundi 26 août 2019. Première publication in « LE JOURNAL de RésistanceS », n°1, mai-juin 2019, page 16].

Le libéral réformateur Michel et le nationaliste libéral
De Wever, main dans la main de 2014 à 2018 – Image RTL TVi
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Un billet sans détour de l'écrivain Vincent Engel pour RésistanceS


SÉRIE N-VA (épisode 8/9) - Pour sa collaboration avec la N-VA le Mouvement réformateur devrait-il être condamné (politiquement) ? D'octobre 2014 à décembre 2018, avec les nationalistes de l'Alliance nouvelle flamande, les libéraux francophones conduits par Charles Michel formaient le couple dominant du gouvernement fédéral. Quelques semaines avant les élections fédérales, régionales et européennes du 26 mai dernier, Vincent Engel, écrivain, enseignant à l'Université de Louvain et à l'IHECS, a posé la question suivante : les bleus de Bruxelles et de Wallonie devront-ils payer l'addition salée de cette collaboration politique lors du méga scrutin. En mai de cette année, Vincent Engel a donné sa réponse spécialement pour les lecteurs du JOURNAL - de résistance(s). La revoici dans notre série estivale sur le parti nationaliste flamand de Bart De Wever, dont les liens avec le passé collaborationniste et l'extrême droite ont été prouvés dans les épisodes 456 et 7 de cette même série - BILLET SANS DÉTOUR

Le Mouvement réformateur paiera-t-il cash, en nombre de voix, sa collaboration avec la N-VA ? Je ne suis pas sûr. Soyons précis : je crois que le MR va perdre des voix, et la décision de saborder le gouvernement Michel pour se refaire une virginité morale ne devrait pas suffire à enrayer l’hémorragie.

Pour ce qui est de la collaboration, Charles Michel a beau jeu d’expliquer que, s’il a été obligé de revenir sur sa parole – « Jamais avec la N-VA » –, c’est à la suite du coup de Jarnac du PS, avec la complicité du CDH. Le jeu politicien minable de ces deux partis est aussi scandaleux que le revirement de Charles Michel ; au jeu de ce que la politique peut montrer de pire, ils sont tous ex-aequo.


Mais ce que le MR devrait payer, c’est son incompétence. Incapacité de recruter des ministres valables en nombre, avec la palme décernée à Marghem dans plusieurs catégories : arrogance, incohérence et incompétence. Autre déficit : son agressivité face à la presse et à l’opposition et l’action citoyenne, qui s’est traduite par les tentatives constantes de discréditer, voire de faire taire ces voix discordantes. Les attaques ont été menées par des seconds couteaux dont les arguments ressortaient d’une doxa apprise par cœur et d’un code de communication mis au point et surveillé par la tête du parti (Charles Michel en l’occurrence, Chastel n’étant qu’un homme de paille). Même la voix rétro-discordante de Louis Michel, sur la migration, a été « corrigée », et toutes celles et ceux qui, à l’intérieur du parti, ne sont pas d’accord ou s’inquiètent de l’évolution du MR, sont rappelés à l’ordre. N’est pas Christine Defraigne qui veut – même si dans son cas, c’est le logique principautaire qui domine ses choix et décisions.

Autre tare : l’hypocrisie et la lâcheté. Le MR a peut-être été contraint, pour « sauver le pays », de collaborer avec la N-VA ; il n’était pas pour autant obligé d’en devenir le vassal – et les injures actuelles rendent encore plus ridicules les déclarations d’amour et d’obédience d’hier. Souvenez-vous du sourire béat de Bouchez et de son pas triomphant, sur la couverture de ce magazine, au côté de son ami éternel Theo Francken : la voilà, l’image vérité du MR.

À plusieurs reprises, j’ai dénoncé cette dérive populiste et droitière du parti libéral. Le libéralisme n’a pas grand-chose à voir avec ce que disent, font et défendent la majorité des membres du MR. Sur les réseaux sociaux, à côté des opposants traditionnels du MR, on a pu lire de très nombreux messages de sympathisants du parti qui exprimaient leur désappointement, voire leur colère ou leur dégoût. C’est d’abord ces voix-là qui vont s’envoler. D’autant que l’alternative au MR existe pour ses électeurs : je ne pense pas qu’ils iront majoritairement grossir les voix d’Ecolo, et certainement pas du PS ou du PTB, mais ils pourraient se retourner vers le CDH – même si Maxime Prévot est confronté à des forces centripètes extrêmes et doit courir de tous bords pour colmater les brèches –, et surtout vers DéFI, qui partagent avec le MR une vision plutôt libérale de l’économie, mais qui surtout a su, particulièrement à travers la figure de son président Olivier Maingain, incarner et défendre les valeurs libérales sur lesquelles le MR s’est pesamment assis durant toute cette législature. La dissidence de Destexhe contribuera elle aussi à affaiblir le parti souche, qui n’a pas su se débarrasser à temps d’un électron libre décidément très, très à droite. 

VINCENT ENGEL
Invité de RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite


Quelques photos de l'album de famille de la N-VA
Images RIDAF, réseaux sociaux et RTL TVI

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Le billet de l'écrivain Vincent Engel que vous venez de lire sur le site de RésistanceS a été publié une première fois dans son périodique papier  « LE JOURNAL de résistance(s) », n°1, mai-juin 2019, page 16.


Qui est Vincent Engel ?

Écrivain et romancier, il est professeur à l'Université catholique de Louvain (UCL) et à l'Institut des hautes études des communications sociales - École de Journalisme de Bruxelles (IHECS). Vincent Engel est l'auteur de près de quarante essais et romans, dont « Fou de Dieu ou Dieu des fous : l’œuvre tragique d’Elie Wiesel » (De Boeck, 1989), « Pourquoi parler d'Auschwitz ? » (Les Éperonniers, 1992), « Légendes en attente » (L’instant même, Québec, 1993, prix Franz de Wever), « Retour à Montechiarro » (éditions Fayard, 2001, prix Victor-Rossel des jeunes 2001) et « Maramisa » (Les Escales, Paris, 2018).



Depuis plusieurs années, Vincent Engel soutient RésistanceS. Il était un des nombreux intervenants de notre premier Samedi de Résistance(s) qui eut lieu le 25 mai dernier au théâtre de Poche.


L'écrivain Vincent Engel, bien entouré par Manuel Abramowicz du journal RésistanceS, le vicaire épiscopal du diocèse de Liège Éric de Beukelaer et le militant
marxiste Erik Demeester, le 25 mai 2019 au théâtre de Poche
© Photo Eva Maria Jimenez Lamas.

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PROCHAIN ET DERNIER ÉPISODE DE NOTRE SÉRIE ESTIVALE SUR LA N-VA 

Les livres à lire sur la N-VA et le nationalisme flamand(9/9)




© Article du journal en ligne RésistanceS |asbl RésistanceS | N° 478574442|Bruxelles | Lundi 20 août 2019. Première publication « LE JOURNAL de résistance(s) », n°1, mai-juin 2019, page 16, périodique papier de notre web-journal|