La genèse de la N-VA en quelques lignes (1/9)

[RésistanceS – Vendredi 2 août 2019. Première publication in « LE JOURNAL de résistance(s) », n°1, mai-juin 2019, page 11].

SÉRIE N-VA (épisode 1/9) - Au coeur du premier parti de Belgique. Pour comprendre la force politique que représente la N-VA dans le paysage actuel de notre pays, il est essentiel de conter l'histoire du plus grand parti nationaliste flamand de 1954 à 2000, la Volksunie. L'ancêtre commun de la formation de Bart De Wever et du Vlaams Belang - PAR SERGE GOVAERT Membre du CRISP et auteur de publications sur le nationalisme flamand.

Lorsque la Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA) réalise, aux élections fédérales de 2010, un score exceptionnel - près de 28 % - et devient d'un seul coup le premier parti flamand, elle revient de loin. Au scrutin de 2003, elle n'avait obtenu que 4,8 % des voix dans les circonscriptions flamandes, et un seul siège à la Chambre des représentants. En 2007, elle avait fait le pari de se présenter en cartel avec le CD&V, ce qui lui avait permis de remonter quelque peu la pente. Mais le cartel s'était brisé. En tombant sur un énième écueil communautaire en 2010 - la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde - le gouvernement fédéral d'Yves Leterme allait ouvrir au parti la voie du succès.

La N-VA dépassera encore en 2014 son résultat de 2010, séduisant près d'un tiers (32,4%) des électeurs flamands. Cela étant, la N-VA ne surgit pas du néant. 

Nationalistes au sommet de l'État belge
Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, le mouvement flamand est décrédibilisé par l'attitude de certains de ses dirigeants face à l'occupant nazi. Il ne redescend dans l'arène électorale qu'en 1949 et ne retrouve des sièges au parlement (pour être plus précis : un siège) qu'en 1954 - ceci grâce à une coalition de circonstance qui se défait aussitôt. Mais à la fin de cette même année 1954 renaît un parti nationaliste flamand pur jus, la Volksunie (VU, littéralement : Union populaire). Ce nouveau parti va voler de succès en succès : à son apogée, en 1971, il recueille 18,8 % des voix dans les cantons électoraux flamands. 

En 1977, la Volksunie est le premier parti nationaliste flamand à participer à un gouvernement national. Il le fait en apposant sa signature sous un accord de gouvernement qui contient un volet important de réforme des institutions belges, le pacte d'Egmont. L'échec du Pacte, et la chute du gouvernement, lui coûtent cher : non seulement il perd près du tiers de ses députés aux élections suivantes, mais certains de ses membres - dont un nombre assez limité de mandataires - le quittent pour fonder un parti nationaliste nettement ancré à droite, le Vlaams Blok. Ces dissidents sont également en désaccord avec la ligne pluraliste, perçue comme excessivement laxiste, de la Volksunie et de son président d'alors, l'avocat anversois Hugo Schiltz.

Chant du cygne
Ce ne sera pas la seule participation gouvernementale de la Volksunie : elle compte une nouvelle fois des ministres dans le gouvernement que forme en 1988 le démocrate-chrétien Wilfried Martens (CVP, aujourd'hui CD&V). De nouveau, elle participe à une coalition qui entend faire progresser la Belgique dans un sens fédéral et qui, cette fois, y réussit.

Cette deuxième et dernière participation nationale - on dirait aujourd'hui : fédérale - sera son chant du cygne. En 1991, la Volksunie est devancée aux élections par le Vlaams Blok. Elle se ressaisit brièvement en 1995 et en 1999 sous la présidence de Bert Anciaux, fils d'un ancien dirigeant du parti, qui lui imprime un cours davantage marqué à gauche ; mais en 2000, alors que les rênes du parti sont passées aux mains de Geert Bourgeois, un opposant de longue date à Bert Anciaux, la Volksunie se déchire sur le vote d'un nouvel accord institutionnel, celui du Lambermont. Sur quoi les membres du parti sont consultés sur son avenir – en réalité, pour convenir des modalités d'un divorce.

Trois groupes s'affrontent, et celui que dirige Geert Bourgeois, sobrement appelé Vlaams-Nationaal,emporte la mise. Aux termes d'un accord intervenu préalablement dans les instances dirigeantes, il ne peut cependant plus utiliser le nom du parti défunt : à laVolksunie succède ainsi la Nieuw-Vlaamse Alliantie, dont le discours a évacué toute trace des idées d'ouverture de Bert Anciaux. 

SERGE GOVAERT




L'auteur de cet article
Serge Govaert est membre du conseil d'administration du Centre de recherche et d'information socio-politiques (CRISP), auteur notamment du livre « Les griffes du lion. Le nationalisme flamand à la veille de 2002 » paru en 2001 chez Labor, et de plusieurs « Courriers hebdomadaires »du CRISP consacrés au nationalisme flamand (pour leurs références exactes, voir en fin de ce dossier). Cet article de Serge Govaert est exclusivement écrit pour RésistanceS.



Cet article a été publié une première fois dans notre périodique papier  « LE JOURNAL de résistance(s) », n°1, mai-juin 2019, page 11.





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