Forum en résistance contre le racisme : Que sont devenus le racisme et l'antiracisme ?

RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite  Bruxelles | Jeudi 5 mars 2020 | 07 : 39



Par Manuel Abramowicz rédacteur en chef du Journal de RésistanceS

Cortège de RésistanceS, de DécliK et de Quartier sans racisme à la manifestation annuelle contre le racisme à Bruxelles, le 24 mars 2019 © Photo RésistanceS




RÉFLEXION – Le mouvement antiraciste traverse une crise interne. Des courants antagonistes imposent leur propre vision. L'Histoire coloniale est revisitée pour en corriger, à juste titre, les erreurs de son récit. Le racisme ou les racismes ? Une seule origine – l'Occident - ou une universalité de ce mal de société ? DÉBAT OUVERT 

Le racisme est un mal structurel de nos sociétés. Il s'est jadis formé comme une véritable idéologie. Le racisme permettra les conquêtes coloniales, profitant de la complicité des autorités religieuses dans un rapport « win-win » avec les États de l'hémisphère nord étendant leur emprise sur le reste du monde. Le racisme est devenu un « produit national » en Europe durant toute la Révolution industrielle. Sa persistance trouvera son apogée lors des crises secouant le système économique et social.

La tactique du « diviser pour régner », appliquée aux populations dominées dans les colonies, le sera ensuite également dans les quartiers populaires des métropoles où s'entassent des centaines de milliers d'habitants venant du monde rural, puis des colonies ou de pays étrangers « pauvres ». La loi - informelle - de la concurrence salariale entre les travailleurs - nationaux et immigrés - sera agitée au profit d'un patronat, dont l'objectif est alors de réduire la masse salariale, pour faire tourner ses usines, pour encore plus faire fructifier son chiffre d'affaire. Si le racisme s’incruste indéniablement dans le circuit économique, ce mal de société reste une tactique politique pour gagner le pouvoir d'abord, s'y maintenir ad vitam æternam ensuite.

RACISME US ET RACISME AFRIKANER
Le XXsiècle est le siècle des génocides, dont la base est la doctrine raciste. L'empire colonial Ottoman, qui reste le modèle aujourd'hui des nationalistes turcs au pouvoir à Ankara, massacre à grand échelle, en 1915, le peuple arménien tentant de le faire disparaîtrede la carte pour s'accaparer son territoire ancestral. Les populations assyrienne et grecque qui vivent en Turquie sont également ciblées, persécutées et opprimées. Un État raciste est instauré en Allemagne, après l'arrivée en 1933 des nazis au pouvoir, soutenus par des partis conservateurs, de droite et chrétiens. L'ancien empire prussien est alors un des pays-piliers de la « civilisation occidentale » qui conduira pourtant, avec ses complices d'extrême droite belges, français, hollandais, italiens, croates... sous la forme d'une industrie de la mort, au plus grand génocide, celui des juifs et des tziganes d'Europe. Plus tard, en 1975, un autre génocide se produira au Cambodge, puis en 1994 au Rwanda.

Produisant une discrimnation quotidienne, une répression sans bornes et des meurtres en chaine, la doctrine raciste est encore à la base de la ségrégation nord-américaine jusqu'à la fin des années 1960 et du régime d'extrême droite d'apartheid en Afrique du sud jusqu'en 1991. Les points communs entre le racisme US et le racisme afrikaner sont nombreux, malgré les publicités vantant l'American way of life.

Propagande, domination, division et crimes sont les mots qui accompagnent l'idéologie du rejet, de l'exclusion, de l'expulsion et de la haine vis-à-vis des étrangers ou de ceux qui leur sont associés à vie. Mais, le racisme – les racismes ? - n'aurait-il qu'un auteur ? Qu'une nation ? Qu'un courant politique ?

ARME DE DESTRUCTION MASSIVE DE LA PENSÉE PLURIELLE 
Le racisme, la négrophobie, l'antisémitisme, la musulmanophobie, le fascisme, le repli identitaire et le discours nationaliste-conservateur - avec sa litanie d'homophobie et de sexisme - sont-ils aussi portés par des victimes du racisme ou exploités dans des anciennes colonies ? Les pogroms contre les musulmans indiens, birmans et chinois révèlent l'universalité du racisme. Pendant que chez nous, des courants idéologiques réactionnaires laissent supposer que le racisme à changé de camp. Hier, avant-garde du combat antiraciste, la gauche radicale - révolutionnaire et anticapitaliste - serait devenue aujourd'hui, pour le courant de pensée néo-conservateur, le nouveau foyer de l'antisémitisme contemporain. En remplacement de celui de la droite national-catholique et de l'extrême droite de jadis. Pour des intellectuels à la mode, l'antisionisme de gauche servirait à camoufler un antisémitisme refoulé. Une alliance existerait même entre gauchistes et islamistes, formant une cohorte « islamo-gauchiste » menaçante.

Avec le populisme, ils seraient même désormais le danger principal pour la démocratie, selon des avocats médiatiques du pouvoir. Mais que sont au juste le « populisme » et l'« islamo-gauchisme » ? Les réponses sont systématiquement absentes dans les voix bhlisées qui les stigmatisent. Force est de constater que ceux qui produisent cette nouvelle grammaire idéologique proposent en réalité un logiciel de propagande pour criminaliser les acteurs principaux de la lutte des classes, toujours d'actualité.

Le racisme est ici une arme intellectuelle de destruction massive de la pensée plurielle dont usent et abusent les disciples d'un patronat et de ses « chiens de garde » politiques reprenant à leur compte le mantra de Warren Buffett, l'un des hommes les plus riches du monde : « Il y a une guerre des classes, c’est un fait. Mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre et qui est en train de la gagner » (sur CNN en 2005). Et dans cette guerre, tous les moyens sont bons. L'accusation de racisme par son versant antisémite permet la criminalisation par diabolisation des principaux – et plus efficaces – pourfendeurs du système capitaliste. Le cinéaste Ken Loach, le socialiste Jeremy Corbyn, le mouvement espagnol Podemos, l'insoumis Jean-Luc Mélenchon ... en savent quelque chose.

DÉBAT OUVERT URGENT
Pour ne pas sombrer dans le discrédit de l'antiracisme et laisser le champ libre à l'extrême droite, il est urgent de répondre en front commun à des questions essentielles : Qu'est-ce que le racisme d'État ? Y-a-t-il une domination post-coloniale sur l'antiracisme ? Qui agite – et pourquoi - à tort et à travers le danger de l'islamisation, de l'islamo-gauchisme et de l'antisémitisme (qui reste une réalité en Europe et aux États-Unis)  ?

Une évidence : l'antiracisme est en crise et attaqué de l'extérieur, comme de l'intérieur. Son avenir est dès lors directement menacé. Il nous faut donc d'urgence un débat ouvert sur les stratégies de lutte pour contrer efficacement le racisme.



MANUEL ABRAMOWICZ
RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite 




Débat ouvert sur le racisme : ce samedi

Le thème de ce texte d'opinion sera abordé, ce samedi 7 mars, lors du Forum en résistance contre le racisme, organisé par le Journal de RésistanceS au musée de l'immigration, le MMM (Migratie Museum Migration), 17 rue des Ateliers à 1080 Molenbeek-Saint-Jean.






RÉSERVATION OBLIGATOIRE 
avant ce jeudi 5 mars au plus tard par e-mail.

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